(R.I.) La présidente de la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ), Valérie Grenon, dans une lettre adressée au premier ministre, François Legault :

 

« Depuis la fermeture des services éducatifs à l’enfance le 13 mars dernier, les intervenantes en centre de la petite enfance (CPE) et en milieu familial régi et subventionné opèrent des services de garde d’urgence pour les travailleuses et travailleurs des services essentiels, et ce, sans aucun équipement de protection.

 

Nos membres sont au front dans un domaine qui, vous en conviendrez, ne permet pas de garder une distanciation sociale et physique. En raison de compressions à répétition depuis 2014, notre réseau a mangé son pain noir au cours des dernières années.

 

Pour vous donner une idée, vous répétez sur toutes les tribunes que les préposés aux bénéficiaires méritent un rattrapage salarial important, idée avec laquelle nous sommes parfaitement en accord. Vous soulignez, à juste titre, que la Prestation canadienne d’urgence (PCU) de 2 000 $ par mois est souvent plus avantageuse pour ces travailleurs.

 

Cette année, un préposé aux bénéficiaires à l’échelon 1 gagne 20,55 $ l’heure et a accès à certaines primes pour majorer son salaire. À titre de comparaison, dans le cas d’une éducatrice en CPE, l’échelon 1 se situe à 18,98 $ l’heure. Pour une responsable en services éducatifs en milieu familial (RSE), on parle de 12,42 $ l’heure.

 

Manifestement, pour un réseau que vous considérez comme un service essentiel en temps de crise sanitaire, les intervenantes en petite enfance semblent être les grandes oubliées des négociations actuelles. Avant que ne débute l’état d’urgence pour lutter contre la propagation de la COVID-19, les RSE venaient de se doter d’un mandat de grève générale illimitée pour la première fois de leur histoire dans une proportion de 97,5 %.

 

Les intervenantes en CPE se préparaient également à déployer des moyens de pression lourds pour valoriser leur profession et permettre une meilleure attraction de la main-d’œuvre. Or, l’heure n’est plus à la confrontation, mais à l’action.

 

Nous avons rapidement suspendu tous nos moyens de pression avant même les fermetures annoncées par votre gouvernement pour nous rendre disponibles afin de freiner le développement de l’infection. C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous avons offert le 26 mars dernier au ministre de la Famille de régler les négociations des secteurs du milieu familial régi et subventionné et des CPE. Nous avons accepté de faire de nombreuses concessions devant l’urgence d’agir de manière concertée.

 

À ce jour, malgré une discussion positive avec le ministre, nous sommes face un silence radio du côté des négociateurs du gouvernement. Pendant ce temps, sur le terrain, les intervenantes en petite enfance sont inquiètes. Alors que les commerces essentiels prévoient des mesures de protection pour leur personnel ainsi que des primes de risque, nos membres doivent se battre quotidiennement pour faire respecter des consignes de base émises par la Direction de santé publique.

 

De nombreuses directives concernant les ratios, la distanciation avec les parents ou encore les départs et arrivées limitées ne sont pas respectées. Des directions menacent de congédiement des intervenantes qui craignent pour leur santé ou celle de leur proche. Clairement, nous ne sommes pas dans un contexte de travail normal.

 

Plus encore, les médias ont rapporté plusieurs cas positifs à la COVID-19 dans des garderies. La semaine dernière, notre organisation a été mise au courant d’au moins un cas de transmission du virus dans un service de garde éducatif d’urgence en milieu familial. Monsieur le premier ministre, mettez-vous un instant à la place des intervenantes qui ouvrent leur maison privée ou qui offrent le service en CPE aux travailleuses et travailleurs de services essentiels. Elles méritent une reconnaissance.

 

Considérant les facteurs de risque et les conditions exceptionnelles dans lesquelles nos membres sont placées, nous vous demandons d’offrir des primes pour les intervenantes qui seront au front au cours des prochaines semaines.

 

De plus, nous réitérons notre main tendue afin de régler nos négociations pour assurer une paix industrielle et des environnements de travail les plus sereins possible pour passer au travers de la crise. Au nom de notre organisation, nous vous remercions, Monsieur le Premier Ministre, de l’attention portée à la présente. »

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