(R.I.) Le philosophe Charles Taylor était de passage cette semaine en commission parlementaire pour donner son point de vue sur le projet de loi 21 sur la laïcité de l’État. Voici des extraits de l’échange entre le ministre Simon Jolin-Barrette et  le coauteur du rapport de la Commission Bouchard-Taylor :

 

C.T. : « On attend encore, par exemple, pour l’interdiction des femmes musulmanes portant le voile d’enseigner; on attend encore la raison acceptable. Quelle sorte de difficulté cela pose pour la liberté des autres? Pour quelle illégalité est-ce que cela crée? On attend encore de vous que vous nous expliquiez…

 

Ministre : Je comprends, je vous entends, mais justement, sur ce point-là, au niveau des limites qui sont raisonnables par rapport à certains droits et liberté, notamment le projet de loi que j’ai rédigé, en collaboration avec mes collègues gouvernementaux, c’est largement inspiré du rapport que vous avez publié avec M. Bouchard en 2007. (…)

 

Si, en 2007, le gouvernement du premier ministre Charest avait pris votre rapport et l’avait mis dans une loi, comme je le fais, est-ce que vous diriez que ça aurait été une erreur de faire ça?

 

C.T : Bien, je ne comprends pas la raison de votre question parce que vous présentez une loi, par exemple, concernant les enseignants qui va beaucoup au-delà de notre rapport, qui est même condamnée par l’esprit de notre rapport. Donc, est-ce que vous me dites que si M. Charest avait mis en vigueur tout ce que nous avions proposé, vous ne seriez pas ici à proposer d’interdire aux enseignants de porter le voile?

 

Ministre : Peut-être qu’on ne serait pas ici, mais faisons l’exercice suivant ensemble : dans le fond, prenons le projet de loi 21 et excluons les enseignants et les directeurs d’écoles qui sont pas recommandés par votre rapport. (…) Alors, est-ce que ce serait une erreur d’adopter votre rapport sans les enseignants ni les directeurs d’écoles? Est-ce que vous considérez ça comme une erreur?

 

C.T. : Non, non, je ne serais pas d’accord parce que, à ce moment-là, j’ai accepté cette clause sur les fonctions coercitives parce que je croyais que ce serait… d’abord, que ça choquerait vraiment les gens, de sorte que tout le rapport serait discrédité et, ensuite, que les gens marquaient une distinction très importante entre les fonctions coercitives et les fonctions qui ne l’étaient peut-être pas. (…)

 

Ce dont j’ai été complètement inconscient, je l’admets, à l’époque, c’était… disons les différents mouvements de haine et d’opposition qui ont lieu… qui existent, qui sont actifs dans notre société… je ne parle pas de notre société, mais de l’occident en général, surtout le fait de répondre la xénophobie, etc. (…)

 

Seul le fait de faire campagne sur ce genre de programme commence à stimuler des incidents et c’est pas uniquement le Québec, c’est partout. Des recherches en sociologie ont été faites. (…)

 

Je crois que la discussion politique au niveau ici, c’est un peu angélique. Je ne vois pas ce qui se passe sur le terrain. Alors, j’ai vraiment changé d’idée quand j’ai vu les conséquences de ce genre de campagne.

 

Ministre : Mais, avec égard, lorsque vous dites que les parlementaires ne voient pas l’impact sur le terrain, je peux vous assurer que l’ensemble des parlementaires ici sont présents sur le terrain. »

(Extrait des consultations sur le projet de loi 21, 7 mai 2019)

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