(LCP) La ministre de la Santé et des Services sociaux ne voit pas la nécessité de créer une société d’État pour parer aux pénuries de médicaments et d’équipement médical comme Québec solidaire la presse de faire.

 

« Auparavant, les fabricants de médicaments innovateurs misaient sur la commercialisation de médicaments de masse qui visaient à traiter des problèmes de santé courants. Alors, cette stratégie, elle a conduit à une certaine saturation des principaux champs thérapeutiques comme l'hypertension artérielle, le diabète, etc. Dorénavant, les fabricants de médicaments innovateurs se concentrent davantage sur des produits de niche, donc des médicaments, par exemple, pour le traitement du cancer, et les produits biologiques. Ces nouveaux médicaments constituent la principale source de croissance du coût des médicaments dans le régime public. Une entité publique telle que Pharma-Québec ne pourrait pas produire de tels médicaments onéreux puisqu'ils sont protégés par des brevets », tranche Danielle McCann.

 

« Pour réduire le coût lié à l'inscription des médicaments innovateurs, le recours à la négociation d'ententes d'inscription prévoyant le versement de rabais par les fabricants, ça nous apparaît constituer la voie privilégiée. De façon générale, le Québec adhère à la plupart des ententes conclues par l'Alliance pancanadienne pharmaceutique. Le Québec peut aussi mener ses propres négociations en l'absence d'entente ou de négociation pancanadienne. La création d'un Pharma-Québec ne donnerait pas d'avantage supplémentaire au chapitre de la négociation, tant pour les innovateurs que pour les génériques », estime Danielle McCann.

 

Par ailleurs, « les baisses de prix publiques et confidentielles obtenues, au cours des dernières années, par la négociation sont substantielles. En 2018‑2019, 314,4 millions $ pour le volet du régime public d'assurance médicaments et 92,3 millions $ pour le volet des établissements de santé », ajoute-t-elle.

 

« Le fait de rendre génériques de très nombreuses molécules au cours des 10 dernières années, ça a permis au régime public de réaliser des économies substantielles. Les médicaments génériques n'étant pas couverts par des brevets, Pharma-Québec aurait le droit d'en produire, mais un tel projet comporterait plusieurs risques et difficultés. La création d'une entreprise publique viendrait nuire à la collaboration avec les fabricants de médicaments génériques présents au Québec. La création d'une telle société d'État pourrait soulever des difficultés à l'égard des traités commerciaux et aussi la production de médicaments comporte d'importantes économies d'échelle », poursuit Danielle McCann.

 

« Une production limitée au marché québécois ne permettrait pas d'atteindre le seuil de rentabilité. La solution consisterait alors à exporter une portion importante de la production, et ça pourrait également soulever des difficultés au chapitre des accords commerciaux internationaux dans la mesure où la production était subventionnée d'une façon ou d'une autre. L'exemple souvent invoqué au sujet d'une production de médicaments par un État est celui de la Suède. En réalité, le gouvernement suédois fait produire une quantité très limitée de médicaments, 2 % à 3 % du marché, et ça concerne uniquement les produits qui ne sont plus commercialisés en Suède », explique-t-elle.

 

Quant à l'accès aux ingrédients actifs cette matière première sans laquelle il est impossible de produire des médicaments, « on voit mal comment une société d'État pourrait prendre en charge une responsabilité qui doit, normalement, échoir à un ministre responsable de l'utilisation des fonds publics devant l'Assemblée nationale ».

 

Quant à la proposition de consacrer 5 % du budget de Pharma-Québec pour réaliser des activités de recherche et de développement et pour mettre au point de nouveaux médicaments, « on peut s'interroger sur le réalisme de celles-ci », selon Danielle McCann.

 

« Le développement d'un médicament pourrait requérir des investissements excédant 1 milliard $. La création de Pharma-Québec revient à l'avant-scène dans le contexte des problèmes d'approvisionnement vécus au début de la pandémie de COVID-19. Certains intervenants soutiennent qu'avec Pharma-Québec la situation aurait été différente. On doit être très prudents avec cette affirmation », déclare-t-elle.

 

La ministre maintient que « bien qu'il soit vrai que la COVID-19 a créé une pression importante sur l'approvisionnement en médicaments nécessaires aux soins intensifs, on doit souligner qu'il n'y a pas eu de rupture de service. Un seul fournisseur ne peut que très difficilement répondre, à lui seul, à une telle demande rapide, ce qui met en doute l'efficacité de faire appel à une production concentrée dans les mains d'un éventuel Pharma-Québec pour faire face à une pandémie. La sécurisation de l'accès aux médicaments critiques passe, sans doute, au Québec par différentes mesures tout au long de la chaîne d'approvisionnement, notamment en termes de meilleurs inventaires dans nos hôpitaux et chez les grossistes », selon Danielle McCann.

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