(LCP) Les modifications au mode de nomination et de destitution du Commissaire de l'Unité permanente anticorruption et du Directeur des poursuites criminelles et pénales contenu au projet de loi 1 portent atteinte au principe de l'État de droit et aux conditions d'indépendance de ses titulaires de charge publique.

 

C'est l'opinion émise par la docteure en droit Martine Valois devant la Commission des institutions dans le cadre de la consultation sur le projet de loi 1 de la ministre Geneviève Guilbault. Cette pièce législative modifie les règles encadrant la nomination et la destitution du commissaire de l'UPAC, du directeur général de la SQ et du DPCP. On sait que le P.L. 1 prévoit pour ces nominations des votes aux deux tiers des députés de l'Assemblée nationale.

 

Mme Valois a choisi de se concentrer sur les patrons de l'UPAC et du DPCP plutôt que sur le directeur de la Sûreté du Québec. « Les changements proposés au mode de nomination et de destitution du commissaire et du directeur par le projet de loi 1 contreviennent au principe de la séparation des pouvoirs ayant pour effet de miner l'indépendance du commissaire et du directeur ». Qui plus est, le mode de nomination « constitue un recul important en ce qui a trait à l'indépendance du commissaire et du directeur », selon la juriste.

 

La disposition « supprimant l'exigence d'une destitution du commissaire pour cause est une atteinte non justifiée à l'indépendance du commissaire. Cet amendement permettra de relever le commissaire de ses fonctions selon le bon plaisir d'une majorité de membres de l'Assemblée nationale sans que ne soit démontrée l'existence d'un motif le justifiant », regrette Mme Valois.

 

« L'étendue de la compétence d'action du commissaire peut le conduire à mener des enquêtes impliquant des membres de l'Assemblée nationale actuel ou ancien. Il est donc primordial de mettre le commissaire à l'abri de toute forme de pressions qui pourraient avoir un effet sur sa décision de mener ou non une enquête sur une personne ou un groupe de personnes ayant le pouvoir de le démettre de ses fonctions. Certains événements de l'actualité encore récente au Québec démontrent qu'une telle éventualité ne relève pas de la pure fiction », soutient la professeure.

 

Elle ajoute que « le mode de nomination aux deux tiers de l'Assemblée nationale est généralement réservé aux organismes responsables de la surveillance des activités pour le compte de l'Assemblée nationale comme le Vérificateur général ou le Protecteur du citoyen ». De leur côté, le commissaire de l'UPAC et le DPCP ne relève pas de l'Assemblée. « Aussi, à la différence du Commissaire ou du Directeur, aucun de ces organes n'exerce de pouvoir lié à l'administration de la justice criminelle ».

 

Le politologue Denis St-Martin qui accompagnait la professeure de droit était plus favorable à l'égard du P.L. 1. « Je partage en partie ses préoccupations. Mais Martine, Montesquieu, ça fait 300 ans! On est en 2019! », a-t-il lancé. Quant à la légitimité politique du projet de loi, il suggère que les trois patrons concernés par le projet de loi soient nommés bel et bien par l'Assemblée, non pas aux deux tiers, mais aux quatre cinquièmes des élus, c'est-à-dire à 80 % des votes.

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