(R.I.) La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) publie une nouvelle étude donnant la parole aux entrepreneurs assujettis à la Loi sur les décrets de convention collective. Leur réponse est unanime : ils n’en veulent plus.

 

Les propos recueillis sont inquiétants et font ressortir une réelle crise de légitimité et de saine gouvernance. La FCEI demande à Jean Boulet, ministre du Travail, de passer à l’action en abolissant cette loi datant de près d’un siècle, qui est unique en Amérique du Nord.

 

L’étude de la FCEI soulève que cette loi désuète occasionne une lourde augmentation du fardeau administratif et fiscal pour les propriétaires d’entreprises assujetties.

 

En effet, les décrets obligent les employeurs à soumettre un rapport mensuel en indiquant combien d’heures chaque employé a travaillé et à payer une taxe sur la masse salariale supplémentaire. La FCEI rappelle que le coût du fardeau administratif et réglementaire est inversement proportionnel à la taille de l’entreprise et que cela freine leur productivité.

 

De plus, ce système génère une concurrence déloyale puisque l’application des décrets est déterminée géographiquement et selon certains secteurs qui y sont encore assujettis.

 

De ce fait, les entreprises visées qui sont situées près de la «frontière» géographique se trouvent donc en concurrence avec des entreprises qui ne le sont pas. Ces dernières ont moins de contraintes financières : elles n’ont, entre autres, pas à payer une taxe sur la masse salariale pour financer les activités du comité paritaire.

 

«La lecture de cette étude est édifiante. Le message est on ne peut plus clair : les entrepreneurs ne veulent plus de la LDCC. Les décrets leur font perdre du temps précieux à cause de la paperasse supplémentaire qui en découle, sans compter qu’ils créent une concurrence déloyale et ajoutent une taxe. Il n’y a plus aucune logique au découpage géographique de l’application de la LDCC. C’est profondément injuste pour les quelque 10 000 entreprises québécoises qui sont les seules en Amérique du Nord à se retrouver avec un régime de la sorte qui freine leur compétitivité et leur productivité», déclare François Vincent, vice-président pour le Québec à la FCEI.

 

La LDCC face à une crise de légitimité

Pour couronner le tout, les décrets entraînent des inspections incommodantes. Qui plus est, l’absence de recours concernant les décisions prises par les comités paritaires (hormis la poursuite en justice), ainsi que le manque de communication en amont des décisions contribuent aux relations tendues entre les entrepreneurs et les comités paritaires. La FCEI mentionne qu’elle n’a reçu aucun commentaire positif lors des entretiens.

 

En outre, les services de formation offerts par les comités paritaires automobiles ne correspondent pas aux attentes des entrepreneurs et ne répondent même pas à la demande. Pour certains entrepreneurs, les formations sont tout simplement inadaptées à leurs besoins et leur accès est problématique pour leurs employés.

 

De plus, les salaires fixés par les comités paritaires sont dépassés et entravent la compétitivité et l’autonomie financière des entreprises assujetties à la LDCC.

 

Enfin, des 15 entreprises qui étaient assujetties à un décret de convention collective en mai 2022, seulement 2 étaient au courant de la réforme réglementaire des comités paritaires soumise par le ministre du Travail. Aucun propriétaire d’entreprise n’a remarqué de différence dans la gestion de son comité depuis la réforme.

 

Un autre rapport de recherche récent sur le sujet révèle d’ailleurs que 75 % des propriétaires de PME assujetties à la LDCC n’y voient aucun avantage, tandis que 77 % affirment qu’elle occasionne une lourde augmentation du fardeau administratif et réglementaire. De plus, les données fournies par le ministère du Travail confirment que les entreprises assujetties à cette loi paient une taxe sur la masse salariale totalisant 12 M$ par an.

 

«En 2024, c’est inconcevable qu’un organisme réglementaire passe par les poursuites avant l’accompagnement. Ce n’est pas normal qu’il ne puisse pas livrer adéquatement ces obligations de formation. C’est incompréhensible qu’il n’y ait pas de déclaration de service ni d’imputabilité légale liée à l’accès à l’information ou à la vérification générale. Les témoignages reçus ne sont que la pointe de l’iceberg des mécontentements des entrepreneurs assujettis à la LDCC. En fait, nous avons fait les entretiens sous le couvert de l’anonymat, car les entrepreneurs craignent de devenir la cible des comités paritaires qui, rappelons-le, sont juges et partis en même temps. Comment le gouvernement du Québec peut-il encore maintenir en place un tel régime en crise de saine gouvernance? Nous demandons au ministre du Travail, Jean Boulet, d’agir maintenant et de procéder à l’abrogation de cette loi», conclut M. Vincent.

 

Quelques citations d’entrepreneurs illustratives de l’étude :

«Au décès de mon père, on a averti le comité paritaire qu’il était décédé. Ils sont venus tout vérifier, et c’est là qu’on leur a demandé ce qu’il fallait faire pour devenir compagnon parce qu’on n’en avait plus. Ils nous ont dit qu’on était en infraction et ils nous ont fait payer une amende.» - Propriétaire de garage, Laurentides.

 

«J’ai appelé ma comptable et je lui ai demandé “Pourquoi les paies de mon conjoint ont changé?”. Elle m’a dit que c’était le comité paritaire qui l’avait appelée pour qu’on change sa paie… J’ai demandé au comité paritaire pourquoi il se donnait le droit de faire cela, et on m’a répondu “Parce que votre conjoint ne donne pas assez de salaire. Mais ce n’est pas grave, ce n’est pas la peine d’augmenter pour vrai ses paies, il n’a qu’à augmenter sa cotisation pour nous en donner plus”. » - Propriétaire de garage, Centre-du-Québec.

 

«Le décret s’applique à tout ce qui est à 160 km à vol d’oiseau du siège social de Laval, donc si tu es au-delà des 160 km, tu n’es pas assujetti. Ce n’est pas juste.» - Propriétaire d’entreprise de menuiserie métallique.

 

«Ils ont obligé un de mes employés à aller en formation, donc il s’est inscrit, mais cela fait trois fois que le comité paritaire reporte l’examen parce qu’il n’y a pas assez de personnes inscrites. Ils ont proposé de faire cela un samedi, et je trouve cela aberrant. Mes employés travaillent très dur pendant la semaine, ils n’ont pas à aller suivre un cours pendant la fin de semaine.» - Propriétaire de garage, Centre-du-Québec.

 

«Les formations offertes par le comité paritaire sont ridicules. On paie des entreprises privées pour nous donner des formations afin de rester à jour. Dans les deux prochains mois, je paierai quasiment 10 000 $ de formations pour mes techniciens. À l’interne, cela me coûte une fortune pour garder mes employés à jour, car l’industrie de l’automobile évolue tellement rapidement.» - Propriétaire de garage, Laurentides.

 

Méthodologie

Afin de réaliser cette étude de cas, nous avons effectué des entrevues téléphoniques semi-dirigées auprès de propriétaires d’entreprise assujettis à un décret. Nous avons choisi ces entreprises parmi nos membres et avons recueilli un échantillon de 16 entrepreneurs. Les entrevues ont duré entre 20 et 40 minutes. Elles ont été réalisées entre mai et juin 2024.

-/-/-/-/-/-

 

(R.I.) : communiqué que nous avons repris intégralement