(C.C) La ministre de la Justice, Sonia LeBel, explique aux parlementaires ce qui justifie son refus de se prononcer sur la validité constitutionnelle du projet de loi 2 visant à resserrer l'encadrement du cannabis :

 

« Ce n'est pas un caprice de ma part, c'est attaché au rôle particulier que joue le ministre de la Justice, mais surtout le Procureur général au sein du gouvernement et au sein du Conseil des ministres.

 

(…) Je suis donc l'avocate du gouvernement. C'est un rôle de conseiller juridique, et il est au coeur de mes fonctions. À ce titre, je suis appelée à donner des opinions juridiques, que ce soit verbalement, par écrit, etc., qui se rapportent ailleurs à l'administration des affaires publiques, que ce soit au Conseil exécutif, aux différents comités ministériels ou au Conseil législatif, que je préside. Pour ce faire, je suis donc assistée des juristes de l'État, des juristes spécialisés qui conseillent le gouvernement dans ses actions.

 

Mes opinions, les opinions des conseillers juridiques du gouvernement peuvent porter sur différentes obligations qui incombent aux différents ministres qui sont mes collègues, et entre autres sur la constitutionnalité ou les risques constitutionnels d'un projet de loi qui est présenté devant le gouvernement.

 

C'est de cette façon que la ministre de la Justice, jurisconsulte, je le répète, s'assure du respect de la règle de droit. Donc, comme avocate du gouvernement, il est essentiel que le gouvernement puisse bénéficier du respect du secret professionnel au même titre, d'ailleurs, que de toute personne qui recourt aux services d'un avocat.
 

C'est dans ce contexte que plusieurs considérations militent en faveur d'assurer la confidentialité des opinions juridiques du gouvernement, et donc de faire en sorte que je ne peux me prononcer publiquement sur les conseils ou les discussions que j'ai eues avec mes différents collègues justement sur les risques ou non, constitutionnels ou autres risques, qu'un projet de loi pourrait présenter pour le gouvernement.


Maintenant, peut-être juste quelques mots sur les discussions qui ont cours au sein du Conseil des ministres. À titre de membre du Conseil des ministres, comme ministre de la Justice, jurisconsulte, etc., je participe donc aux discussions de ce dit conseil. Ces discussions se font dans un contexte de très grande confidentialité.
 

Cette garantie de confidentialité des délibérations au sein du Conseil des ministres est une règle très bien établie. Elle tire son origine du système parlementaire britannique. Les séances du Conseil des ministres sont l'occasion pour ses membres, dont je suis, de discuter de tout sujet d'intérêt pour le gouvernement, dont les orientations législatives envisagées.

 

Plusieurs autres de mes collègues juristes verront la même notion que la nature de ce qu'on appelle habituellement le secret des délibérés. Cette garantie de confidentialité permet au Conseil des ministres d'avoir des discussions libres et franches sur les orientations gouvernementales ou sur les projets de loi que nous allons présenter.

 

Dans le cas contraire, la réflexion gouvernementale et les débats au sein du Conseil des ministres s'en trouveraient gravement entravés, par conséquent c'est notre démocratie elle-même qui s'en trouverait affaiblie.

 

Je vous dis tout ça pour que vous compreniez que mon refus apparent de vouloir me prononcer ou de répondre à cette question n'est pas un caprice de ma part, c'est plutôt une de mes responsabilités.
 

Ce n'est pas arbitraire, ce n'est pas une question d'orientation politique, ce n'est pas un caprice, ce n'est pas parce que je n'ai pas joué mon rôle de jurisconsulte au sein du gouvernement que je n'ai pas conseillé mon collègue porteur de ce projet de loi sur les différents risques, existants ou non, propres à un projet de loi donné.

(Extrait d'un débat de fin de séance à l'Assemblée nationale, 19 février 2019)

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